http://blogs.elpunt.cat/aleixrenye/2011/04/07/%E2%80%9Cser-catala-es-estimar-la-usap%E2%80%9D/
Aleix Renyé est journaliste et écrivain. Pour lui les catalans existaient avant l'USAP et le Barça. Du coup, on peut être
catalan sans aimer ces deux institutions...
Texte traduit du catalan.
Je commence avec un scoop : Dans la Catalunya del Nord (nous l'appelons la Catalogne du Nord pour ne pas passer pour des
hérétiques aux yeux de notre Académie nationale, l'Institut d'Estudis Catalans), il y a des catalans qui s’en foutent de l’USAP !
Oui oui, il y a des catalans qui ne sont pas intéressés, mais alors pas du tout, ni par l’USAP, ni (autre scoop) par le
Barça !
A l'occasion du match que l’USAP va jouer à Barcelone, la question « Qu'est ce que c'est d'etre catalan ?
» est omniprésente à la radio et dans la
presse d’expression française de ce morceau septentrional de la Catalogne.
Et la réponse récurrente de politiciens, citoyens, joueurs, dirigeants et supporters du club est :
« être catalan, c'est aimer l’USAP »... Fava de nun !!!
Tout à coup je découvre qu'en fait, je suis une sorte de chose étrange, un être qui au lieu d'aller "supporter" l’USAP
avec une écharpe et un T-shirt sang et or, en chantant l’Estaca i Els hi fotrem, s’entête à parler "la langue des avis”... à l'extérieur du stade !!! (Celui-là, toujours à se la péter ! Il
pourrait parler comme tout le monde, non ?!).
Je n'avais jamais réfléchi si j’étais catalan ou pas, pour moi c’était une évidence... Mais je réalise que si je ne cours
pas chercher la "panoplie du bon supporter" au Conseil général de gauche ou au conseil municipal de droite, je ne serai pas catalan ou, en tout cas, un “bon catalan” !
Ceux qui lisent les journaux, écoutent les radios et regardent la télévision en catalan, qui parlent catalan à leurs
enfants et voisins et s’en foutent de l'USAP, du Barça et du sport en général, ceux-là vont devenir un no man’s land de l’identité. Peut-être que nous devrions demander à être protégés comme une
espèce menacée, et que notre avenir sera dans une réserve, sans pouvoir faire des cargolades, porter la barretina et les vigatanes et d'autres éléments de notre patrimoine, puisqu'ils seront
confisqués par ceux qui sont "Fiers d'être Catalans et qui affirment avoir le Sang 100% catalan”. Dans la réserve, quand même, nous ferons l'économie d’écouter à la radio et lire dans les
journaux - tel un exercice d'hypnose collective pour s’autoconvaincre -, chaque trois minutes et chaque dix lignes que ici nous sommes “en Pays Catalan”, sans prononcer un mot - s’il n’est pas
rigolo - dans la langue “de nos aînés”. Et oui, ici en “Pays Catalan” parler la langue “dels avis” est une affaire de "vieux militants catalanistes aigris" ou de "catalans Espagnols”.
La modernité en “Pays Catalan”, c'est être fier d’être catalan sans jamais le parler et aimer l'USAP.
Devenir membre du club de rugby, faire une "cargolade" ou manger des "Boules de picoulat" sont les rites de passage
modernes pour obtenir le titre de "Nouveau Catalan". Les nouveaux arrivants qui ne sont pas, eux, citoyens français ou européens, n'ont toujours pas de cérémonie pour les baptiser “Nouveaux
Catalans”, pas de bol. Ils voudraient bien un petit quelque chose, à l’image du truc qui organisent chaque année le Conseil général et plusieurs municipalités. On attend, peut-être que la
“nouvelle catalane” Marine Le Pen gagne les élections et essaye de résoudre le problème....
Pendant ce temps, j’attends la convocation pour aller à la réserve, j’ai mon bagage tout près avec moi... ma langue et ma
culture qui n’inclut pas, dommage, le goût de ces valeurs de la compétition, de la virilité et de la violence sublimé par le sport.