"Dans les gares, il y a les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien! "
E. Macron https://fr.wikipedia.org/wiki/
“Les perdants ont toujours fêté leur victoire avant de gagner.”
Najib Ben Seffaj
### **Les Catalans qui gagnent : et les autres, alors ?**
Ah, les « Catalans qui gagnent » ! Que serions-nous sans ces étoiles locales, ces éclatantes figures de la réussite qui viennent illuminer les pages de *L’Indépendant* ? Chaque année, c’est la même ritournelle : un défilé de héros modestes, mais pas trop, auxquels on dédie un supplément entier pour mieux se féliciter de vivre sur cette terre bénie des Pyrénées-Orientales, où l’air de la montagne semble insuffler à quelques élus le souffle de la victoire. Oui, bravo à eux. Vraiment. On applaudit. Mais une petite question nous taraude : que fait-on de tous les autres ?
#### **Le culte des gagnants, ou l’art de s’auto-congratuler**http://l-archipel-contre-attaque.over-blog.fr/2024/12/les-tests-de-l-archipel-contre-attaque-etes-vous-un-catalan-qui-gagne-lindependant.html
Car soyons honnêtes : il y a quelque chose de savoureusement narcissique dans cette célébration annuelle des réussites locales. Regardez-nous, semble clamer *L’Indépendant*, regardez comme nous savons dénicher ces perles rares, ces « belles personnes » qui font la fierté du « 66 ». Le ton déborde d’enthousiasme, un peu comme si chaque portrait était une victoire personnelle pour le journal lui-même. « Nous, acteurs du territoire, nous racontons les récits de ceux qui font la richesse des Pyrénées-Orientales ! » Quelle noble mission. Quelle humilité. Confucius n’aurait pas dit mieux.
Et à force de tambouriner cette hymne à la réussite, on en oublie que la majorité des habitants du coin ne figurera jamais dans ce palmarès doré. Ils ne sont pas médecins héroïques, ni entrepreneurs visionnaires, ni même lycéens courageux capables de se jeter à l’eau pour sauver une vie. Non, eux, ils triment en silence, invisibles, sans espoir de figurer dans un supplément. Mais qu’ils se rassurent : leur anonymat contribue à faire briller un peu plus ceux qui ont « la gagne ».
#### **Les strass de l’humilité**
L’édito prend pourtant soin de nous rappeler que tout cela se fait « sans strass ni paillettes ». Ah, quelle admirable modestie dans cette mise en lumière de l’authenticité ! Pas besoin de tapis rouges façon Césars, non, juste un bon vieux tapis de compliments bien épais. Ici, la simplicité devient un outil marketing, une vitrine où chaque gagnant est vendu comme une pépite brute, miraculeusement déterrée de cette terre de rigueur et d’authenticité qu’est le « 66 ». L’Indépendant s’érige en gardien de ces « vraies valeurs », avec une subtilité digne d’un spot publicitaire pour le terroir local.
Mais derrière cette façade d’humilité, on devine un message plus incisif : si vous ne figurez pas dans ce catalogue de champions, c’est sans doute que vous n’avez pas assez travaillé. Pas assez transpiré. Vous auriez pu gagner, si seulement vous aviez mis un peu plus de « jus de crâne ». Alors, tant pis pour vous.
#### **Le club fermé des gagnants**
Car soyons clairs : être un « Catalan qui gagne », ça se mérite. Il ne suffit pas de mener une vie honnête, de payer ses impôts ou d’élever des enfants dans un contexte difficile. Non, il faut exceller, briller, accomplir quelque chose de « remarquable ». Et pour ceux qui n’y parviennent pas, il reste le hors champ. La masse informe des « gens qui ne sont rien », pour reprendre l’expression présidentielle. On ne va tout de même pas gâcher un supplément entier pour célébrer des vies ordinaires, non ?
Et pourtant, que seraient les gagnants sans les perdants ? Sans ceux qui, par leur modestie et leur anonymat, leur offrent un contraste flatteur ? Il faut bien des spectateurs pour applaudir. Le supplément pourrait leur consacrer une petite page, peut-être. Mais cela ferait tache dans cette belle vitrine de réussites.
#### **Et si on célébrait les perdants ?**
Au fond, peut-être faudrait-il un supplément parallèle : *Les Catalans qui restent*. Pas de photos en première page, pas de récits vibrants. Juste des portraits honnêtes de ceux qui galèrent, qui survivent, qui maintiennent la machine en marche sans jamais recevoir la moindre médaille. Mais, soyons réalistes : cela se vendrait-il aussi bien ? Pas sûr. Alors, continuons à célébrer nos gagnants. Et laissons les autres dans l’ombre, où, visiblement, ils sont à leur place.
Estem orgullosos dels nostres catalans que guanyen. Mais pour les autres, un grand silence.
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