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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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12 avril 2015 7 12 /04 /avril /2015 09:52
Albert Londres: du temps ou journaliste pouvait être  un métier glorieux
Albert Londres: du temps ou journaliste pouvait être un métier glorieux

J'ai épousé le journalisme plein d'idéaux, je l'ai quitté plein d'idées noires.

Un matin, je discutais avec une journaliste de Perpignan de Jean-Luc Mélenchon. « Je ne l'aime pas. Il crache trop sur les journalistes », se plaignait-elle.
Cette dame a tout à fait le droit de ne pas partager ses idées, mais non, madame, JLM (lui aussi ancien journaliste d’ailleurs) ne crache pas sur les journalistes, il crache sur la façon dont est aujourd'hui exercé ce métier. J'ai moi-même été journaliste pendant dix ans. Formé au CFJ par, entre autres, des journalistes du Canard Enchaîné, l'un des rares journaux dont on peut dire qu'ils sont indépendants, qu'on l'apprécie ou pas.
Dans ma chambre de bonne, j'avais affiché une reproduction de la une de l'Aurore du 13 janvier 1898. C'était le « J'accuse... ! » d'Emile Zola, un long billet destiné au Président de la République de l'époque, à propos de l'affaire Dreyfus. Le capitaine Dreyfus, dont le seul tort fut d'être juif à une époque où l'antisémitisme était prégnant, était alors condamné au bagne. Et le véritable traître, le commandant Esterházy, venait d'être acquitté en conseil de guerre alors que l'état-major avait les preuves de sa culpabilité. Oui, comme Zola, j'espérais qu'un jour ma plume puisse se révolter, dénoncer les injustices ou, tout au moins, révéler quelques vé
rités.

Ce fut, sans aucun doute, les mêmes idéaux qui animèrent ceux qui fondèrent les grands journaux d'aujourd'hui. Tous des journalistes, tous engagés dans des combats politiques. Il y eut ces journalistes issus de la Résistance et qui donnèrent naissance par exemple aux quotidiens Le Monde, Le Parisien - Aujourd'hui en France (qui s'appelait à l'époque Le Parisien libéré), Midi Libre, Sud-Ouest... ou encore à l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur. On pourrait citer aussi Le Point et L'Express, fondés aussi par des journalistes engagés ; Libération, né sous l'égide de Jean-Paul Sartre. Quant à notre Indépendant catalan, il fut fondé par François Arago, républicain convaincu qui menait un combat politique contre la Monarchie de Juillet.
Tous ces journaux furent des étendards de la libre pensée politique, que l'on partage ou pas les idées qu'ils défendaient. Aujourd'hui, que sont devenus ces espaces d'expression ? On y recopie les mêmes dépêches AFP, les mêmes communiqués de presse glorifiant leurs expéditeurs, les mêmes rumeurs issues d'Internet sans en vérifier la véracité. On y écrit des articles à la chaîne, sans prendre le temps de recouper les informations, sans enquêter, sans prendre de recul. Chaque jour, certains surjouent l'indignation, pour faire « comme Zola », tout en oubliant totalement ce qui les avait choqués la veille. Ce ne sont pas les journalistes eux-mêmes qui sont en cause, mais la structure même de la presse qui les oblige à travailler de cette façon.

Car aujourd'hui, les journaux n'appartiennent plus aux journalistes, mais à des hommes d'affaires pas toujours fréquentables, à des sociétés de gestion plus soucieuses de leurs bénéfices que de la circulation de l'information. Alors on diminue les effectifs et les rémunérations des pigistes, on pousse les anciens vers la sortie pour embaucher des jeunes, plus malléables et moins onéreux, on coupe dans les budgets de sorte que certains sujets deviennent impossibles à traiter, on fait pression pour que les articles ne maltraitent pas tel ou tel annonceur afin de ne pas se priver de revenus publicitaires, ou tel ou tel appui politique, non pas pour des raisons idéologiques mais pour sauvegarder quelques avantages fructueux.
De plus en plus souvent, les journaux ne financent plus les voyages des journalistes. Ce sont des entreprises ou des partis politiques qui « invitent », parfois très généreusement. Ceux-là, pas question de les attaquer, ou alors très mollement. On ne mord pas la main qui vous nourrit.

Quand j'ai démarré ma carrière, plein d'idéaux comme je l'écrivais au début de cet article, j'ai d'abord écrit sur des sujets que j'estimais nobles : le travail difficile de certaines associations, des luttes sociales qui me semblaient justes... J'ai déchanté une première fois quand un grand quotidien soi-disant « de gauche » me proposa environ 500 francs pour un reportage qui m'avait demandé trois semaines de travail (reportage qui, d'ailleurs, passa dans ledit journal deux ans plus tard, mais sous une autre signature que la mienne...). Une deuxième fois quand une enquête sur la politique sociale d'un service public bien connu (plusieurs centaines d'emploi étaient menacés à court terme, des milliers à moyen terme. Pas toujours de façon « licite » puisqu'il était prévu d'exercer une pression morale sur certaines catégories de travailleurs) fut refusée par plusieurs « grands » journaux, non pas que mon travail fut mis en cause, mais parce que le sujet risquait de déranger. « Tu as fait un super boulot », m'avait dit un journaliste du Monde, « mais si tu sors ça, tu es grillé à vie »...
Alors j'ai fait comme de nombreux journalistes : de l'alimentaire ! Jusqu'au jour où j'en ai eu marre que des patrons de presse m'ordonnent de réécrire blanc alors que j'avais écrit noir, marre de voir des pigistes crever la dalle (la pige est encore moins payée aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1996, lorsque j'ai débuté) et donc obligés d'accepter de rédiger tout et n'importe quoi le plus vite possible, marre de constater que la valeur d'un article n'est plus définie par sa qualité en terme d'informations, mais par son rapport qualité-prix.

Aujourd'hui, un photo-reporter est mieux payé s'il photographie une starlette au bord d'une piscine que s'il couvre un conflit à l'autre bout du monde.
Aujourd'hui, les faits divers font la une. Alors que par essence il s'agit de sujets secondaires qu'on traitait autrefois brièvement au sein de ce qu'on appelait « la rubrique des chiens écrasés ».
Aujourd'hui, on insulte Mediapart lorsque ce média d'information (l'un des rares à ne pas appartenir à des financiers) sort l'affaire Cahuzac. Puis, les mêmes l’encensent lorsque les faits sont avérés.
Aujourd'hui, on appelle journalistes politiques ceux qui ne sont en fait que les porte-parole des élus avec qui ils dînent le soir.
Aujourd'hui, les médias raffolent des petites phrases qu'on peut mettre en exergue pour attirer le public, tout en feignant de s'en offusquer. Sans ces petites phrases, serait-il encore possible d'évoquer des sujets de fond ? Certainement pas.
Aujourd'hui, on se dit intègre mais on ferme sa gueule. Parce que, comme des millions de travailleurs, le journaliste a besoin de manger à la fin du mois. Il n'est plus un esprit libre, mais juste le bras qui sert à diffuser du consensus et des idées reçues, à endormir le bon peuple, à entretenir l'idée que nous sommes encore en démocratie. Démocratie, combien ont oublié que ce mot signifie « souveraineté du peuple » ?

On appelle parfois la presse « le quatrième pouvoir ». Parce que dans une démocratie, la presse est censée marquer son indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif (l'Etat), législatif (le Parlement) et judiciaire (la Justice). Où est cette indépendance aujourd'hui ? Les plus grands propriétaires des médias français s’appellent aujourd’hui Serge Dassault (marchand d’armes et homme politique condamné pour corruption), Lagardère (marchand d’armes, encore), Bernard Arnault (homme d’affaires), Bouygues (entreprise de BTP, milieu ô combien habitué à corrompre les élus), ou encore Bernard Tapie dont on ne compte plus les casseroles… Le journaliste est assujetti aux désidératas de l'actionnaire du journal au même titre qu'un député de la majorité est assujetti au Gouvernement. Combien faudra-t-il de sujets étouffés par affairisme pour que les journalistes se réveillent enfin ? Car le véritable pouvoir désormais, celui qui supplante tous les autres, c'est l'argent. L'argent dont chacun a besoin pour survivre. A ce titre, la grande majorité des journalistes sont dans la même situation que les salariés de PSA ou d'ArcelorMittal, d'abord préoccupés à sauver leur emploi. C'est cela que je dénonce, et non pas la probité d'une profession ô combien nécessaire pour le bon fonctionnement d'une démocratie. C'est retrouver la liberté de la presse qui est revendiquée. Rendre la presse aux journalistes, pour qu'ils aient les moyens de travailler en toute indépendance. C'est aussi, n'en déplaise à certains, se débarrasser de ces « stars » médiatiques qui ne sont là que pour relayer la parole divine de telle ou telle élite.

Débarrasser la presse de la finance, véritable gangrène qui putréfie à la main du journaliste. Tenter de proposer au peuple autre chose que du voyeurisme organisé et des reportages bidon. Redonner ses lettres de noblesse à la presse afin qu'elle puisse à nouveau jouer son rôle dans le débat public et traiter de sujets qui font sens. Voilà quels sont nos vœux. Car le rôle de la presse est évidemment d'informer, mais aussi d'éveiller les consciences, pas de les abrutir.

Chateaubriand écrivait : « La presse, c'est la parole à l'état de foudre ; c'est l'électricité sociale (…) Plus vous prétendez la comprimer, plus l'explosion sera violente. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle ». Un siècle plus tard, Guy Bedos dit : « je croirai vraiment à la liberté de la presse le jour où un journaliste pourra écrire ce qu'il pense vraiment de son journal ». C'est symptomatique de l'état dans lequel se retrouve la presse. Redevenir la foudre, ce quatrième pouvoir avec lequel les autres pouvoirs doivent se résoudre à vivre, c'est ce à quoi les journalistes devraient aspirer.

J'ai épousé le journalisme plein d'idéaux, je l'ai quitté plein d'idées noires.
Demain, j'espère discuter avec de nombreux journalistes, de Perpignan et d'ailleurs, qui me diront : « j'aime mon métier, je vis bien, je me sens libre ». Comme je le souhaite à tous les hommes.

Voir aussi:

Quand le FN fait sa « comedia del arte »! par Axel Belliard

http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2015/04/quand-le-fn-fait-sa-comedia-del-arte-par-axel-belliard.html

Sommes-nous prêts ? Esprit du 11 janvier où es-tu?Par Axel Belliard

http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2015/04/sommes-nous-prets-esprit-du-11-janvier-ou-es-tu-par-axel-belliard.html

Charlie Hebdo: Nous avons tous tué Charlie! par Axel Belliard

http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2015/01/charlie-hebdo-nous-avons-tous-tue-charlie-par-axel-belliard.html

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commentaires

M
Bonjour Axel, je crois bien que nous avons été au lycée ensemble, à La Source à Meudon. L'école organise une fête pour ses 70 ans et à cette occasion, l'association des anciens cherche à contacter les anciens élèves. Si tu veux bien donner quelques nouvelles, tu peux me contacter à mathieu.laville@gmail.com. <br /> A bientot, Mathieu.
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C
Je ne lis plus les journaux et ne regarde plus les feuilletons du 20 h depuis déjà pas d'années destinés à faire du bizness et du fric pour les actionnaires Je n'ai plus de temps à lire ou regarder cette médiocrité ambiante. Mr Belliard résume objectivement la situation actuelle et je l'en félicite. Christian
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V
Bonjour Axel Belliard<br /> <br /> Gardez vos idéaux, ceux qui font la valeur d'un homme. <br /> <br /> Vous écrivez : Lettre aux journalistes dont j'étais. Vous l'êtes toujours et le resterez sans aucun doute, un des trop rares à garder intactes ses convictions et à les défendre malgré les vents contraires ! C'est d'ailleurs ce qui fait la vérité et la beauté de votre expression. En douteriez-vous ?<br /> <br /> La liberté commence où l'ignorance finit (Victor Hugo).
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