" - Tu brilles aussi fort qu’un miroir de bordel, même un aveugle te verrais à 10 lieux d’ici.
- J’aime bien que les gens me regardent moi.
- Ils ne partagent pas toujours ton plaisir."
Mon nom est personne, Jack Beauregard et Personne
Au moment où Joan Planes comptait ressortir le livre de son père Llorenç qui fut l'éponyme du concept: "le petit livre de la Catalogne Nord", la Géné (lorsqu'on l'épelait avec tendresse) a nommé un sorte de DJ de plage, en guise de directeur
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L'homme qui tua le nom "Catalogne Nord
Perpignan, une ville où le vent joue les espions entre les ruelles, transportant des histoires de complots avortés et d'identités en suspens. Dans ce décor, un homme venait d’être parachuté à la tête de la Casa de la Generalitat, ce bureau censé entretenir la flamme catalane de l’autre côté de la frontière. Son nom ? Christopher Daniel Person. Un homme sans visage, ou plutôt, un visage trop lisse pour qu’on s’y attarde.
Une Casa sans cause ?
La Casa de la Generalitat à Perpignan, ce n’était pas juste une antenne culturelle. C’était un symbole, un mirador avancé de Barcelone en territoire français, une passerelle diplomatique, un vestige de la grandeur d’une Catalogne qui s’était rêvée indépendante. Depuis sa création en 2003, les directeurs qui s’y succédaient étaient des hommes de conviction, convaincus que cette enclave était une base arrière stratégique.
Parmi eux, **Josep Puigbert (2014-2023)**, un indépendantiste bon teint qui voyait en la Casa un laboratoire de catalanisme. Son successeur, **Alfons Quera (2023-2024)**, était du même moule, quoique plus prudent. Tous partageaient une obsession : faire vivre la culture catalane dans les Pyrénées-Orientales et entretenir le feu sacré de la "Catalogne Nord".
Mais les temps avaient changé. Depuis la tentative avortée d’indépendance de 2017, Barcelone avait perdu son mordant. Les nouveaux maîtres de la Generalitat n’avaient plus d’appétit pour les grands projets nationalistes. Le poste de directeur de la Casa n’était plus une mission stratégique. C’était devenu une sinécure. Alors, on avait choisi Christopher Daniel Person.
Un homme du sérail socialiste
Né en 1992 à Cervera, formé en sociolinguistique et en marketing, il n’était ni un militant chevronné ni un fervent catalaniste. Son atout ? Avoir le bon carnet d’adresses. Il était passé par le PSC, le Parti des Socialistes de Catalogne, ce qui en disait long sur la nature de sa nomination. On n’attendait pas de lui qu’il secoue l’institution, juste qu’il assure une présence, qu’il gère quelques dossiers sans faire trop de vagues.
Le crime parfait
Seulement voilà, au lieu de faire profil bas, il commit l’irréparable. Il tua un nom. **"Catalogne Nord".** Froidement, méthodiquement, il enterra l’expression sous un flot de justifications administratives. "Nous devons employer le nom officiel, 'Pyrénées-Orientales'", déclara-t-il, comme un bureaucrate raturant une note inutile sur un rapport. Ce fut un séisme. À Perpignan, les nationalistes avaient toujours défendu cette appellation, vestige d’un espoir inachevé, d’une terre rattachée à la France mais où battait encore un cœur catalan.
Les réactions ne tardèrent pas.
**Jordi Borràs**, Agustí Colomines (**Junts**), Nicolas Garcia (**maire d’Elne**) et bien d’autres dénoncèrent un crime contre l’identité catalane. **Unitat Catalana** exigea sa tête. On le traita d’"ignorant", de "médiocre", de "subordonné servile".
Mais Person ne s’arrêta pas là. Il porta un second coup. Il osa dire que "personne ne parle catalan dans la région". Une phrase assassine, jetée négligemment, qui anéantissait des décennies d’efforts pour préserver la langue. Les flammes de la révolte s’allumèrent aussitôt.
Le mauvais ouvrier se plaint de son outil
Dans un roman noir, c’est toujours au moment où tout semble sous contrôle que les choses dérapent. Person croyait pouvoir imposer son post-modernisme, mais il n’avait pas anticipé que l’identité catalane, même en sommeil, restait un volcan. Son poste, jadis prestigieux, n’avait plus le poids stratégique d’antan, mais il suffisait d’un faux pas pour que le feu reprenne.
L’homme qui tua "Catalogne Nord" devint l’homme de trop. Les médias s’en emparèrent. Les critiques pleuvaient de toutes parts. Mais à Barcelone, ses protecteurs gardaient le silence. Le pouvoir socialiste qui l’avait placé là n’avait rien à gagner à un scandale. Il n’était qu’un pion sur l’échiquier, un exécutant interchangeable.
Alors, que lui restait-il ? Tenir bon. Feindre l’indifférence. Attendre que la tempête passe. Mais Perpignan n’oublie pas ceux qui trahissent ses légendes. Person a peut-être cru qu’il pouvait enterrer un nom. Il découvrira bientôt qu’ici, les fantômes de l’histoire ne meurent jamais vraiment.
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