"— ... Toi, toi tu peux le retrouver. Tu sais comment faire, tu es dans la police, non ?
— Détective privé.
— Ce n'est pas pareil ?
— La police fait régner l'ordre. Moi, je me contente de révéler le désordre."
Le Quintette de Buenos Aires
Manuel Vázquez Montalbán
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Junts convoque sa direction lundi à Perpignan pour décider s’il retire son soutien à Sánchez
Carles Puigdemont, avec ce visage de fantôme catalan qui a appris à sourire depuis l’exil, comme si chaque sourire était une déclaration d’indépendance à demi-mot.
Ah, Perpignan, cette ville frontalière où les Catalans se réunissent pour parler de trahisons comme s’il s’agissait de recettes d’escargots à la llauna, accompagnés d’un vin rouge qui réchauffe les joues et brouille les jugements.
Lundi, à dix heures du matin, dans un espace de coworking nommé Les 5 Éléments – un nom qui sent l’alchimie , comme si les indépendantistes catalans voulaient transformer la frustration en or politique –, la direction de Junts se réunira pour faire le bilan d’un pacte conclu à Bruxelles, qui, à l’époque, fleurait bon la promesse sucrée et qui, aujourd’hui, a le goût amer du fiel.
Selon El Periódico, où les nouvelles locales se mêlent à la saveur salée du vent de la Costa Brava, l’objectif est simple : décider si Pedro Sánchez, cet homme de Madrid au sourire de vendeur d’encyclopédies, mérite encore le soutien de ces postconvergents qui, en dignes héritiers de Jordi Pujol, savent que la patience a une limite aussi précise qu’une assiette de fromages.Deux ans après l’investiture de Sánchez, cet accord de Bruxelles ressemble à un plat refroidi, de ceux qu’on prépare avec des illusions et qu’on mange avec du ressentiment. Il y aura un tour de parole ouvert, disent-ils, pour que chacun puisse déverser ses opinions et propositions, comme dans une assemblée de quartier où le voisin du quatrième a toujours raison. Puis, vers cinq heures de l’après-midi, une déclaration publique viendra révéler la décision, comme si les journalistes étaient invités à un dîner où le plat principal est l’incertitude.
Perpignan, avec ses ruelles pavées de granit du tarn et ses épiceries où l’on vend du pain de campagne et des Tourrons qui rappellent la terre perdue, sera le théâtre de cette comédie tragique, où les hommes et femmes de Junts, vêtus de l’élégance discrète de ceux qui ont appris à vivre entre deux frontières, soupeseront s’il faut couper les ponts avec le PSOE ou continuer cette sardane aux pas de plus en plus désaccordés.
La convocation survient au lendemain des propos de Míriam Nogueras, la leader de Junts au Congrès – femme au regard féroce et aux mots tranchants comme un couteau à saucisse –, qui a averti Sánchez que “l’heure du changement” approche, une phrase qui sonne comme un ultimatum servi froid. Et ce n’est pas un hasard : depuis août, Carles Puigdemont, cet ex-président exilé qui semble tout droit sorti d’un roman-feuilleton teinté de Kafka, lance des avertissements comme on jette des amandes dans un nougat : “Cet automne, il se passera des choses”, disait-il, et l’on se demande s’il parlait de pluies torrentielles ou de la tempête politique qui nous enveloppe. Puigdemont, avec son allure de Don Quichotte catalan luttant contre des moulins espagnols, a fait de l’exil une sorte de théâtre absurde où chaque déclaration est un acte.Les postconvergents, ces fils illégitimes de la Convergence qui naviguent désormais en eaux troubles, regardent en arrière et constatent que les négociations avec le PSOE ont donné des fruits aussi amers qu’une mandarine hors saison.
La loi d’amnistie ? Un mirage : elle n’a pas permis le retour de l’ex-président en Catalogne, et Sánchez n’a toujours pas daigné s’asseoir avec lui devant un verre de vin rouge, comme si les réunions étaient un luxe réservé aux rois. La langue catalane, douce et rebelle, n’est toujours pas officielle à l’Union européenne, où les bureaucrates de Bruxelles parlent de multiculturalisme tout en croquant des croissants et en ignorant la senyera. Et au Congrès, à cause du rejet de Podemos – ces disciples tardifs de la révolution plus occupés à faire des selfies qu’à provoquer des changements profonds –, la proposition phare est tombée à l’eau : la délégation des compétences en matière d’immigration, qui aurait été comme un plat de résistance dans un menu de revendications.Et les désillusions ne s’arrêtent pas là. Des initiatives pour expulser les squatteurs en 48 heures ou pour enrayer la multirécidivité dorment dans un tiroir du Congrès, comme les restes d’un repas oublié que personne ne veut réchauffer.
Cela inquiète les maires de Junts, qui regardent avec des yeux de crapaud la possible montée d’Aliança Catalana – ce spectre d’extrême droite qui promet un grand nettoyage au savon fort – lors des prochaines municipales. Lundi dernier, Puigdemont a rencontré une délégation de ces maires, une réunion qui s’est conclue par un communiqué aussi piquant qu’un allioli : les postconvergents y dénonçaient les manquements du PSOE sur ces sujets, comme on énumère les erreurs d’un chef qui a brûlé le riz.Ils n’ont pas encore précisé comment une éventuelle rupture pourrait se matérialiser – peut-être par un communiqué sec comme un vermouth sans gin, ou par un geste symbolique comme trancher un pain avec un couteau romain. Mais le sentiment dominant au sein de la direction est clair : la relation avec le PSOE est à bout de souffle, après deux ans de négociations en Suisse, avec un médiateur international qui devait ressembler à un arbitre dans un match de foot truqué. La dernière rencontre, il y a une semaine, fut comme un dîner sans dessert : elle n’a pas rapproché les positions, juste laissé un goût amer.
Les dirigeants, prudents comme des amateurs de vin face à une carte trop longue, ne ferment aucune porte : pas même celle d’une motion de censure “instrumentale”, pensée uniquement pour provoquer des élections anticipées, à condition que le candidat ne soit pas Alberto Núñez Feijóo, cet homme du PP au visage de banquier qui sourit comme si tout était une affaire.
Cette option a été évoquée la semaine dernière par Antoni Castellà, vice-président de Junts, dans une interview où il parlait avec la liberté d’un homme qui sait que la politique est comme le jazz : imprévisible et pleine d’improvisations. Mais Junts ne peut pas la présenter seul, il lui manque des députés comme il manque du sel à une table ; il devrait s’allier avec le PP, cet aigle espagnol qui veut maintenant se faire passer pour plus fédéral qu’un pa amb tomàquet.Le moment choisi pour ce bilan n’est pas anodin, comme ne l’est pas le goût d’une escudella un jour de fête.
Novembre marque les deux ans de l’accord d’investiture, et décembre, un an depuis le dernier ultimatum de Puigdemont, lorsqu’il a exhorté Sánchez à se soumettre à une motion de confiance au Congrès – un geste héroïque comme défier un taureau avec un mouchoir. Pendant ce temps, María Jesús Montero, la vice-présidente et ministre des Finances, avec son air de maîtresse d’école sévère, préparera dans les prochaines semaines les chiffres du plafond de dépenses, les budgets généraux de l’État et sa proposition de modèle de financement, comme qui sert un menu économique où la Catalogne semble toujours être l’oubliée. Junts veut marquer son territoire avant, planter son drapeau sur ce terrain mouvant, car en politique, comme en cuisine, celui qui arrive le premier à table choisit les meilleurs morceaux. Et qui sait si, à l’issue de ce lundi à Perpignan, il ne sera pas décidé que Sánchez n’est plus l’invité d’honneur, mais juste une vieille connaissance avec qui on ne partage plus ni le pain ni le vin.
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