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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
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30 novembre 2023 4 30 /11 /novembre /2023 19:46

L’homme aux couleuvres entre les dents
                                                                       
Au nom de l'idéal qui nous faisait combattre 
Et qui nous pousse encore 
À nous battre aujourd'hui  
J. Ferrat, Le bilan, 1980


 
C’est à un voyage par le bas en terre de communisme que nous convie l’autobiographie militante de R. Hillel. Pour présenter brièvement l’auteur, celui-ci a été tour à tour ou en même temps parfois militant étudiant à partir des années 60 puis deux ans plus tard il adhère au PC dans lequel peu à peu il exercera des responsabilités au sein de la direction de la fédération du Rhône puis des P.O. à partir des années 2000 et jusqu’à récemment, il participera à d’autres combats notamment contre les « nostalgériques » longtemps soutenus par les successives mairies de droite mais aussi il participera au différent mouvement de soutien aux migrants et aux travailleurs immigrés. De 2001 à 2018, il sera aussi rédacteur au Travailleur Catalan, l’organe local du parti et il tient encore un blog sur le site de Médiapart. Ce court aperçu résume les trois engagements qui ont structuré sa vie de militant c’est-à-dire l’anticapitalisme, l’antifascisme et l’antiracisme.

Son livre est découpé en quatre périodes : le temps des certitudes de 60 à 79 ; de 80 à 99 : le temps des doutes ; de 80 à 99 : les déconvenues ; 2013-2020 : le temps des désillusions. Ses années de jeunesse, de prise de conscience et de formation se fait dans le contexte de la guerre d’Algérie mais aussi et surtout peut-être auprès de ces camarades du parti et de la CGT en banlieue Lyonnaise, auprès desquels il apprend beaucoup humainement et politiquement. 

Rapidement, Roger Hillel va nous faire voir comment la chute de l’audience du PCF qu’il date du début des années 70 est le résultat de trois mouvements intrinsèquement liés.

Premièrement le contexte international où l’on assiste à la contestation internes des régimes des démocraties dites populaires ; deuxièmement le problème structurel de fonctionnement du Parti avec une lutte constante entre « ancien » et « modernes. » Ces derniers voulant s’affranchir de la lourdeur bureaucratique, des mots d’ordre dépassés et de l’inféodation structurelle et idéologique au « Grand frère » ; troisièmement la concurrence avec le principal parti de gauche, le PS, pour l’accession au pouvoir et pour représenter majoritairement la gauche. Ces deux éléments s’ajoutant à la transformation sociale et démographique des « Banlieues rouges » et des autres bastions communistes. On va donc assister à une succession de revers électoraux de plus en plus cinglants et une remise en cause de l’utilité même du PC. Ce résumé pourrait laissait penser que nous avons affaire aux confessions d’un repenti mais il me semble qu’il fait encore sienne les paroles de la chanson de Ferrat.  Il esquisse quelques pistes et espoirs de refondations d’une militance et de restructuration de gauche se basant sur un rassemblement le plus large possible des opposants à ce système ultra-libéral économiquement, répressif politiquement et culturellement réactionnaire. 

Nous passerons rapidement sur la partie internationale, qui n’est pas au cœur du livre mais dont il est indispensable de poser quelques jalons.

Il a été reproché au PCF, sa tiédeur dans le soutien aux populations qui contestaient les régimes à l’Est ou qui réclamaient simplement juste un assouplissement. Ce fut notamment le cas avec la jeunesse du Printemps de Prague en 1968. Tiédeur qui s’ajoutait à un soutien sans faille à Moscou et ses politiques d’interventions militaires. Cette fidélité se montrera aussi par la suite lors de l’accueil en occident des dissidents, notamment avec la figure controversée de Soljenitsyne, soutenu par les « nouveaux philosophes » qui n’allaient pas tarder à « passer du col Mao au Rotary » (G. Hockenghem) au cours des décennies suivantes. A la jonction de ces années 70 et 80 des troubles éclatèrent en Pologne et cette fois, ce fut particulièrement, me semble-t-il, un crève-cœur pour le PCF, dans la mesure où, la contestation n’était pas le fait majoritairement de jeunes comme on avait pu le croire en Tchécoslovaquie mais plus fondamentalement de travailleurs. Tout avait débuté sur les chantiers navals de Gdansk. Comme l’écrit Hillel, on voyait le divorce profond qu’il existait entre la population et le parti. Cet état de fait allait entraîner l’instauration de l’état d’urgence par Jaruzelski et les premiers morts. Le PC et la CGT vont se trouver en porte-à-faux car cette contestation rencontre largement l’approbation de l’occident mais surtout des autres partis de gauche et les syndicats, autres que la CGT, en France. 


A la même période, l’URSS en soutien à un gouvernement ami, envahit l’Afghanistan et va s’embourber dans une sale guerre de type contre-insurrectionnelle sans issue.

En fait, le PC par fidélité à Moscou d’une part mais aussi par le caractère idéologiquement conservateur des mouvements porteurs de ces contestations, comme en Pologne, ou franchement réactionnaire comme en Afghanistan qui étaient à l’opposé de celles prônées par le PC. Cette fidélité peut s’expliquer estime l’auteur, parce que l’URSS a pu représenter, malgré tous les défauts connus des dirigeants et des militants occidentaux, l’espoir d’une alternative et d’un point d’accroche à l’anticapitalisme et de l’antifascisme et que seule l’existence de celle-ci pouvait permettre de dépasser le capitalisme du fait de « bilan globalement positif » qu’Hillel rejette par ailleurs. D’ailleurs, jusqu’à la veille de l’Implosion du monde soviétique, Georges Marchais, alors Secrétaire général ira en visite à Moscou rencontrer Gorbatchev et dans une déclaration commune, insister sur le fait qu’on ne veut pas se « débarrasser des acquis de la Révolution de 17 mais de s’appuyer sur eux pour se débarrasser des blocages et en faire jaillir les potentiels. » Mais le Paradis rouge était irréformable et exsangue.
 
Beaucoup d’intellectuels, compagnons de route, ou encartés, ont reconnu assez tôt, le caractère stalinien du PCF, et ce déjà depuis Budapest.

Il fut peut-être le dernier d’Europe occidentale a faire son aggiornamento.  Encore en 1956, avec la sortie du soi-disant rapport secret de Khrouchtchev, Thorez, le dirigeant à l’époque du Parti avait ignoré et dénigré le rapport. Même ceux qui avaient peut-être été un tant soit peu ébranlé par l’Aveu, ou d’autres œuvres, estimaient que cela appartenait à une époque révolue et que les choses avaient changé avec la déstalinisation. Pourtant les débats ont été rudes entre ceux que nous pouvons appeler les orthodoxes et les « hérétiques ». Cela s’est traduit Dès le début des années 70 par le mouvement de l’Eurocommunisme. Ce mouvement, initié en Italie, puis en Espagne, attira un certains nombres de penseurs et de militants. La réforme du parti devait se faire en abandonnant les schémas vieillis comme le rôle moteur de la classe ouvrière. Ce n’est qu’en 1964 à son 17e congrès que le PCF décida d’abandonner la thèse de la nécessité de l’existence d’un parti unique comme condition obligatoire de passage au socialisme. Celle de la dictature du prolétariat n’intervint qu’en 1976. Mais d’autres intellectuel, notamment Althusser, d’autant plus radical qu’il n’avait aucune vision concrète la réalité politique et des grandeurs et misères de la vie militante de base, s’étaient opposés au rejet des dogmes.


D’autres modes de fonctionnements moins opaques en interne devaient advenir.

Hillel l’explique par le fait que le Parti garda longtemps une méfiance vis-à-vis de ses propres militants en gommant toutes les aspérités des rapports ou des informations sous prétextes qu’elles pouvaient déstabiliser le mouvement : « pour sauver une unité de façade on édulcore ». Bref le parti prit du retard dans l’éloignent du centralisme démocratique qui comme le souligne l’auteur était devenu un centralisme autocratique stalinien. Même s’il y avait eu des évolutions, il existe encore une inertie structurelle et idéologique du Parti, à l’exemple de ce qui s’est passé aux dernières élections présidentielles où les gardiens du temple, par peur d’une liquidation du PCF, ont imposé une candidature communiste sous prétexte de préverser l’unité du Parti en se tenant à distance à la fois des autres courants de la gauche et au détriment de stratégie de rassemblement ou d’alliance. 
 
Pour Hillel, malgré le découpage chronologique de son livre, le recul du PCF s’amorce en 73-74 et le coup de grâce aura lieu en 1981.

Si les médias ont parlé de gouvernement socialo-communistes, l’épouvantail allait rapidement perdre la paille qui le rembourrait.  Le PS, dans l’optique d’une alliance avec le PCF, pour la présidentielle de 1981 va commencer à siphonner l’électorat communiste ou sympathisant. Projet avoué par Mitterrand au 12e congrès de l’Internationale Socialiste, peu de jours après la signature du programme commun en juin 1972. Les communistes vont sous-estimer le PS et la dynamique unitaire n’a profité qu’aux socialistes.  Le PS va en quelque sorte ringardiser le PC au plan national, après l’avoir été au plan international. Aux présidentielles de 1981, le PCF perd ¼ de ses électeurs et l’hémorragie ne s’arrêtera plus.

Ce qui me semble plus important est la transformation sociologique et démographique des anciennes Banlieues rouges et des anciens bassins de vote communiste.

Hillel explique comment vont émerger des tensions racistes au sein de la classe ouvrière entre travailleurs immigrés et travailleurs français avec deux affaires emblématiques celle du foyer de Vitry et et des actions à gros sabot contre la drogue. Pour se faire une, il faudra attendre 2008 et la loi SRU de Gayssot qui impose pour les communes, en fonction de différents barèmes, de disposer de 25 % de logement social, en regard des résidences principales.
Jusque-là, comme il l’écrit : « La politique urbaine était discriminatoire cherchant à privilégier les périmètres urbaines aux plus riches et les communes ouvrières vouées à l’accueil des autres couches sociales aux plus bas revenus. Les communes étaient lésées avec une relégation des habitants les plus pauvres et une ponction croissante sur leurs budgets destinés à l’aide sociale ». On assiste ainsi à des processus de ghettoïsation avec une concentration de misère et de populations de plus en plus fragiles où les seules manières de s’en sortir vont être pour une partie de la jeunesse, la délinquance et le trafic de drogue. Ce Phénomène étant renforcé par le fait que les catégories ouvrières les plus aisées ont tendance à quitter ces quartiers à mesure qu’ils se dégradent. D’où une concentration de misère. Cela entraîne des menaces quant à la cohabitation et débouchant sur des tensions racistes. 


Hillel rappelle une affaire emblématique de cette période concerne la « destruction » des foyers de Vitry, logeant des travailleurs célibataires immigrés.

Ces foyers dépendaient de l’ADEF un organisme patronal chargé de loger les travailleurs employés par les entreprises du bâtiment et des métaux. Cet organisme voulait reloger des travailleurs de Saint-Maur (une ville de droite) à Vitry (ville communiste). La municipalité de cette dernière s’y était opposée maladroitement en détruisant avec un bulldozer les voies d’accès aux foyers. Comme le rappelle l’auteur, les occupants du foyer n’avaient pas été chassés mais les dégâts en termes d’image avaient été déplorables. Du fait de cette « grande violence symbolique » cela avait entraîné une manifestation de la LICRA, du PS, de la CFDT qui avaient quasi traités ces municipalités communistes de racistes alors qu’elles supportaient seules l’installation des travailleurs les plus précaires. 


Un autre exemple, avec la prise de conscience des ravages qu’occasionnent la drogue, après une relative tolérance dans les cités ouvrières, certaines municipalités communistes vont organiser des manifestations contre la drogue.

Toutefois certaines vont dégénérer comme celle de, où le maire, R. Hue et une partie de l’équipe municipale vont manifester sous les fenêtres d’une famille après qu’elle ait été dénoncée faussement par une autre famille. L’auteur regrette ses actions maladroites et improductives. Une fois encore, les médias vont s’emparer de cette affaire pour clouer aux piloris ces municipalités qui se débattent  au milieu de grandes difficultés économiques et sociales.
A partir des années 80, le PCF ne va plus connaître qu’une lente érosion de son électorat. Le 21/4/2022,  le PCF obtient un score de 3.4% des voix, Jospin est éliminé et Le Pen est au 2e tour face à Jacques Chirac. C’est une défaite qui marque profondément Roger Hillel car il « ne sait plus ce qui l’a bouleversé le plus, la présence de Le Pen ou chute du vote communiste ». En analysant les résultats de l’élection d’avril 2002, il met en cause l’abstentionisme comme une « forme déliquescence civique » mais  il estime dans les colonnes du Travailleur Catalan, que le parti ne se relèvera pas tant « qu’il n’aura pas commencé à rompre avec le passé réinventer une identité révolutionnaire en phase avec l’époque actuelle : en terme de projet, de fonctionnement, de méthode de travail, d’organisation et de direction pour faire travailler ensemble toutes les forces anticapitalistes ». 

Il me semble aussi qu’on assiste à changement de paradigme politique à ce qu’il me semble dans la mesure où les thèmes de droite et d’extrême-droite vont structurer toutes les campagnes politiques à la fois par les candidats de droite et par les médias.

Ce que montre la disparition du vote communiste, c’est aussi une invisibilisation de la classe ouvrière, de sa culture, de sa géographie. A mesure que la France se désindustrialisait, se tertiarisait, sous l’impulsion des politiques libérales imposées à la fois par l’Europe et nos gouvernement successifs, par les partis dits de gouvernement qui n’ont finalement menés la même politique sous des bannières différentes on a assisté à un dénigrement de ce monde ouvrier. L’exemple el plus parlant à mes yeux est lors de la campagne en faveur du TCE, la levée de bouclier contre le vote pour le « non ». Ces partisans étant au mieux considérés comme des souverainiste, et, au pire, comme des beaufs racistes, crypto-fascistes.


Ce dénigrement des mondes populaires qui formait le socle  d’une bonne partie du vote du PCF, la disparition des collectifs des travail et des modes de sociabilité, l’individualisation des revendications, la destruction des anciennes protections sociales face à ce dénuement,  les gens ne se retournent alors plus que ce qui leur reste pour se définir, la nationalité ou la couleur de peau.

 Il est indéniable qu’une partie des de l’électorat populaire populaires est passée du côté de l’extrême droite du moins chez les ouvriers. Ceci étant peut être moins évident en ce qui concerne les employés.  

Toutefois des certaine défaites peuvent être porteuses d’espoir. Ce fut le cas lors de la campagne en faveur du TCE (traité constitutionnel européen 2005) .

Comme l’écrit Hillel, ce traité « achève le projet inavouable entamé en 57 de revenir sur plus de 200 ans de conquêtes politiques et sociales. L’ensemble juridique libéral le plus complet et contraignant de de la planète. La constitution relève d’un délire libéral Les médias s’étaient acharnés à dénier le non. On observait Une convergence objective entre les forces libérales et Sociale-démocrate aussi soutenue par les Verts qui soutiennent le projet de Constitution Giscard. Le projet avait été disséqué, appel de la fondation Copernic à dire non. ». Même Fabius aurait voté non.  C’est la constitution de ce non de gauche que s’ébauche une convergence des luttes, qui structurera encore les luttes à venir. Finalement la ligne de partage passent les opposants au libéralisme et à la casse de toutes les digues et acquis sociaux et les promoteurs de cette politique et de cette vision du monde. En 2017 comme en 2022, on se retrouve face à une alternative quasi-schizophrénique où l’on a le choix entre le « candidat des milieux financiers » comme rempart « démocratique » face la candidate du RN, c’est-à-dire un candidat qui mène une politique ultra-libérale qui fait monter le vote pour l’extrême-droite.

Alors que faire ? comme dirait Lénine!

Hillel estime qu’il faut se placer an rupture avec le libéralisme et ses alliés objectifs de la SD et du centre-gauche qui, au fond, promeuvent les mêmes politiques d’austérité. La ligne de partage passe donc entre ceux qui sont favorables au libéralisme et ceux qui sont opposés. Il y a de nouvelles stratégies d’alliances, de nouveaux acteurs, comme elles avaient pu s’ébaucher avec l’épisode du Front de gauche. Pour Hillel, l’objectif est d’être ouvert à toutes formes de contestations, « en fonction du moment, des conditions et dans le respect des partenaires et à égalité de droit » y compris celles qui n’était pas partagée par les communistes pour élaborer et donner à voir des projets alternatifs même si des désaccords peuvent subsister notamment avec les Verts et la notion de « développement soutenable » ou leurs positions « anticonsuméristes et anti-productivistes ». Il ne veut estime enfin que la « forme parti [tout en gardant son autonomie] est la seule qui puisse préserver la diversité idéologique et de construire une nouvelle identité, avec des valeurs, des représentations tout en les articulant avec la lutte contre le capitalisme avec toutes les formes d’oppression » et d’élaborer. Alors quand même, en repensant à une chère Marie-France http://l-archipel-contre-attaque.over-blog.fr/2014/05/disparition-de-marie-france-lesparre-ou-la-cremation-de-la-derniere-bolchevique-par-nicolas-caudeville.html, c’est encore un joli mot camarade…

 

L’homme aux couleuvres entre les dents:autobiographie militante de R. Hillel ! par Laurent Elno
L’homme aux couleuvres entre les dents:autobiographie militante de R. Hillel ! par Laurent Elno
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