Il avait réussi à ouvrir la porte en la crochetant, on ne venait pas souvent ici, la serrure était grippée, il put entrer, le vent entra aussi. Il se hâta de fermer derrière lui, en tirant un gros barreau, cela sentait le sel, il respira profondément, et le poisson séché également, pensa-t-il. Pas un seul bruit, comme s’il avait pénétré à l’intérieur d’une huître tapie au fond d’une bourriche.
Il se mit à monter, les marches étaient hautes, de temps en temps il fallait qu’il se repose, c’était un tube étroit, sans palier, avec une lumière pâle distribuée sur les flancs de l’escalier par des hublots vitrés qu’une buée presque solidifiée obscurcissait.
Des centaines de marches, se lamenta-t-il, des centaines ! Mais il continuait de monter, s’arrêtant parfois, et s’appuyant alors au mur pour reprendre sa respiration, il montait, montait, il avait le sentiment qu’il n’arriverait jamais en haut. Quelques notes de musique d’un groupe anglais lui parvenaient, pas à ses oreilles car celles-ci n’étaient sollicitées que par le silence, mais à son cerveau, il chercha un moment dans sa mémoire, Stairway to heaven, oui c’était ça, Stairway to heaven, au fond il montait au ciel lui aussi, cet escalier ne conduisait qu’au ciel ou alors à rien, bizarrement il s’agissait des deux destinations espérées par lui. Il continua, montant, montant, le son métallique d’une guitare électrique l’accompagnant, Jimmy Page peut-être, peu importe, il devait aller jusqu’au bout, son destin se jouait maintenant, la musique n’avait rien à voir dans cette histoire.
Reprenant son souffle, il s’assit sur la dernière marche, il était arrivé, il se releva, poussa la porte, une puissante lumière l’aveugla, un éclair, comme s’il avait ouvert un haut fourneau et glissé sa tête dedans.
Alors il se jeta dans les airs.
Il croyait s’aplatir sur le sol, en bas, or il tomba, plouf ! du côté maritime de ce phare du bout du monde. Dans l’eau il se gela, du coup il n’eut plus aucune envie de se suicider, il voulait seulement se sécher et se réchauffer.
L’épave d’un bateau de pêche passa à côté de lui, il s’y accrocha.
On le retrouve dans l’île de Man où il loue ses bras au plus offrant pour la récolte de pommes de terre.
Dans tout le Royaume uni, il est considéré comme le meilleur ramasseur de patates de tous les temps, la reine l’a anobli et le soir, au pub, la moustache toute mousseuse, jouant aux fléchettes, il s’enfile bières brunes sur bières brunes jusqu’au bout de la nuit.
Voir aussi:
Le tout meilleur d'Henri Lhéritier
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/tag/henri%20lheritier/
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