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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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  • L'archipel contre-attaque !
  • Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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29 octobre 2025 3 29 /10 /octobre /2025 13:05


Sous le soleil jaguar
 
"Italo Calvino voulait écrire un livre de récits sous le titre Les Cinq Sens. La mort ne lui a laissé le temp que d'en écrire trois, qui sont réunis dans Sous le soleil jaguar: variations sur l'odorat, le goût et l'ouïe.
 
Dans le premier récit, intitulé Le nom, le nez, on voit le client d'une parfumerie des Champs-Elysées à la recherche d'un parfum unique, qui est celui d'une femme mystérieuse entrevue masquée dans un bal. Le goût est le thème du second récit, Sous le soleil jaguar, qui montre un couple en voyage au Mexique qui n'arrive plus à communiquer que dans des nourritures exotiques, au fond desquelles rôde le souvenir de l'anthropophagie. L'ouïe est illustrée, dans le troisième et dernier récit, Un roi à l'écoute, par l'histoire d'un monarque qui ne quitte plus son trône et ne connaît de son royaume que les bruits qui en montent, de plus en plus complexes, jusqu'à lui.
 
C'est bien le thème de la perte que l'on retrouve dans chacun de ces trois récits: perte que l'on tente de combler par l'usage d'un sens. Comme dans tous ses livres, Calvino ici se promène encore entre l'humour et la menace."

http://authologies.free.fr/calvino.htm

Dans la ville invisible de Veridia, où les rues se plient comme des pages d’un journal froissé et où les façades des maisons murmurent des headlines en lettres de néon qui s’éteignent avant d’être lues, vivait un homme nommé Lector. Sa cognition était sa première journaliste, une rédactrice en chef impitoyable installée dans le bureau ovale de son crâne, entourée de cinq reporters spéciaux : Vue, Ouïe, Toucher, Goût, Odorat. Chaque matin, ils lui livraient leurs dépêches, brutes et urgentes, directement sur le bureau de bois ciré de sa conscience.Vue arrivait toujours en premier, avec des photographies floues d’un monde qu’elle jurait net. « Le ciel est bleu électrique aujourd’hui », annonçait-elle, mais Lector, plissant les yeux, voyait un gris sale, comme un écran de télévision mal réglé. Ouïe suivait, tambourinant des sons : le cri d’un oiseau devenu sirène d’alarme, le murmure d’un passant transformé en menace. Toucher rapportait des textures suspectes – le vent comme une main froide sur la nuque. Goût et Odorat, ces jumeaux paresseux, mélangeaient tout : le pain frais sentait le moisi, le café avait un arrière-goût de cendre.Lector savait que sa journaliste intérieure était défectueuse.

Elle courait des risques, publiait des scoops erronés, transformait une flaque d’eau en abîme, un sourire en grimace.

Alors, comme on consulte un correcteur pour un article bancal, il alla voir le médecin des âmes, un ophtalmologue de l’esprit nommé Dr. Claritas. Celui-ci prescrivit des lentilles cognitives : des gouttes de doute quotidien, des comprimés de vérification, une thérapie où l’on apprenait à relire ses propres dépêches avant impression. Petit à petit, les reporters spéciaux affinèrent leurs envois. Vue cessa de surexposer les ombres ; Ouïe baissa le volume des acouphènes intérieurs. Lector marcha dans Veridia sans trébucher sur des illusions.Mais Veridia elle-même était une allégorie plus vaste, une caverne platonique aux parois tapissées d’écrans géants.

Dehors, dans le monde réel qu’on n’atteignait qu’en grimpant des escaliers de pixels, la Presse régnait – cette grande journaliste collective, avec ses propres reporters :

les chaînes d’info en continu, les fils infinis des réseaux, les éditions numériques qui se régénéraient comme des hydres. Elle aussi avait cinq sens défectueux, ou plutôt des millions, captés par des capteurs humains faillibles : caméras biaisées, micros sélectifs, algorithmes qui touchaient la réalité à travers des gants de velours truqués.La Presse de Veridia était devenue acouphène social. Elle bourdonnait sans cesse dans les oreilles de la cité : un bruit blanc de rumeurs, de scoops avariés, de titres qui hurlaient plus fort que les faits. Un chat noir traversait la rue ? Scoop : invasion féline imminente. Un politicien éternuait ? Éditorial : complot viral. Les reporters de la Presse, comme ceux de Lector autrefois, couraient des risques. Ils publiaient des dépêches floues, amplifiées par l’écho des murs de la caverne. Et la démocratie, cette patiente fragile allongée sur le lit de la place publique, toussait sang et vérité.Comment apporter une correction à cette Presse acouphénique ?

Allait-on la mener chez un Dr. Claritas collectif ?

Prescrire des lentilles de vérification des faits à chaque écran, des gouttes de scepticisme dans les veines des algorithmes ? Imaginaire parallèle : dans une Veridia réformée, des cliniques de la Presse ouvriraient leurs portes. On y installerait des salles de rédaction thérapeutiques, où les journalistes – reporters spéciaux de l’extérieur – reliraient leurs articles à voix haute devant un miroir de la réalité. Des thérapies de groupe pour les chaînes d’info : « Répétez après moi : ce n’est pas une tempête si c’est une brise. » Des comprimés de transparence, dissous dans l’encre numérique.Lector, guéri, observait cela depuis son balcon invisible.

Sa cognition, désormais journaliste honnête, titrait en une intérieure :

« La santé de la démocratie en jeu – prescription urgente. » Car si les sens intérieurs se corrigent par le soin individuel, les sens extérieurs, ceux de la Presse, exigent un soin collectif. Sinon, la caverne s'emplit d’un bourdonnement éternel, et les ombres dansent folles sur les murs, tandis que le soleil jaguar – ce félin lumineux tapi au-dehors – attend, patient, qu’on ose enfin sortir pour vérifier la dépêche de visu.Ainsi va Veridia, ville où la cognition et la Presse se mirent l’une dans l’autre, deux journalistes en parallèle, l’une guérie, l’autre encore fiévreuse. Et la démocratie ? Elle respire, tant bien que mal, entre deux éditions.
 

conférence : la dématérialisation du lecteur local par Nicolas Caudeville Conférence sur la dématérialisation du lecteur local au 202 Avenue Joffre PERPIGNAN dans le local de L'APHPO association d'histoire d'ici.

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