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Le 22 septembre 2022, le Conseil municipal de Perpignan a décidé d’attribuer le nom de « Pierre Sergent » à une esplanade, qui est située à l’angle du Square Bir Hakeim et du Boulevard Jean Bourrat.
En approuvant la dénomination de l’esplanade Pierre Sergent, le Conseil municipal a rendu hommage à l’écrivain et homme politique local, qui fût notamment député des Pyrénées-Orientales, conseiller régional et conseiller municipal de Perpignan.
Son engagement dans la Résistance et l’esprit de solidarité avec ses camarades juifs l’ont poussés, très jeune, à porter l’infamante étoile jaune ; au moment même où d’autres – dont les noms désignent pourtant sans difficulté beaucoup de voies ou bâtiments publics – avaient fait le choix opportuniste de la collaboration.
Par un jugement rendu à la demande de l’association SOS RACISME et de la LIGUE DES DROITS DE l’HOMME, le Tribunal administratif de Montpellier vient d’annuler cette dénomination, en considérant qu’elle serait « de nature à heurter la sensibilité du public ».
Il s’agit d’un jugement inique car rendu sur la base d’un fondement juridique inconnu jusqu’ici, et dont l’application repose de surcroît sur une interprétation des faits éloignée de la réalité.
En dehors des associations qui s’emploient à mener des révolutions de prétoire et de leurs amis, personne à Perpignan n’a jamais trouvé à redire sur le choix de la dénomination de l’esplanade Pierre Sergent.
Seule une poignée de manifestants d’habitude, et par ailleurs spécialistes de la vandalisation des plaques de noms de rue, s’acharne à instrumentaliser ses propres agitations pour faire croire qu’il existerait un émoi que personne ne partage.
Parce que la ville reste plus que jamais convaincue de la légitimité de l’hommage rendu à Pierre Sergent, le jugement rendu ce jour sera contesté avec force dans le cadre d’un appel interjeté dans les plus brefs délais.
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communiqué de presse suite à l'annulation du nom par la justice sur demande de l'association SOS Racisme
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Par un jugement rendu à la demande de l’association SOS RACISME et de la LIGUE DES DROITS DE l’HOMME, le Tribunal administratif de Montpellier vient d’annuler cette dénomination, en considérant qu’elle serait « de nature à heurter la sensibilité du public ».
Perpignan, miroir d’un désarroi collectif, théâtre où se jouent les contradictions d’un pays qui peine à regarder son passé en face. Voici donc qu’une avenue change de nom, qu’une plaque se décroche, qu’un hommage se dissipe dans les brumes de l’indignation et de l’oubli. Abbé Pierre, figure sanctifiée du siècle défunt, s’efface sous le poids d’accusations encore fraîches, remplacé par un autre symbole, plus orthodoxe aux yeux du moment : Saint Jean-Paul II. Comme si, en nommant les rues, nous conjurions l’histoire, comme si nous pouvions, à coup de toponymies, rectifier le passé.
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Le quartier Saint-Assiscle, où l’avenue en question s’étire dans son silence coutumier, témoigne, sans en prendre conscience, des mouvements souterrains de la mémoire collective. Là, entre des immeubles sans caractère et des cafés où l’on commente distraitement les nouvelles locales, s’est jouée une bataille feutrée, où l’on renverse des icônes pour en ériger d’autres.
Mais qui s’en souviendra encore dans dix ans ?
Perpignan, ville où l’histoire s’inscrit et s’efface à la cadence des décisions politiques, voit ses rues comme les palimpsestes d’une mémoire instable, à l’image de ces manuscrits anciens qu’on gratte et recouvre sans cesse, où chaque couche nouvelle ne parvient jamais à effacer totalement l’empreinte de la précédente. Il en va ainsi du "nom de la plaque", perpétuel jeu de recouvrement et de révélation, où l’Histoire se fait et se défait dans l’illusion de la permanence.
Et voici encore une autre affaire, plus obscure, plus âpre. L’esplanade Pierre Sergent, hommage à un homme qui fut tout à la fois résistant et politique, se voit soudainement privée de son nom.
À travers lui, c’est un pan entier de l’histoire nationale qui se trouve réduit à l’ombre, par un verdict qui tranche net, sans égard pour la complexité des trajectoires. Il faut rappeler que Pierre Sergent, ancien cofondateur de l'OAS, fut une figure marquante d’une époque où s’affrontaient des visions irréconciliables de l’avenir de l’Algérie. Nul besoin d’exalter ni de condamner ici : l’histoire constate et ne juge pas, elle observe la tension entre le désir de mémoire et la nécessité d’oubli.
Ainsi, dans ce tumulte où l’oubli et la mémoire se disputent l’espace public, un constat demeure : l’homme est une créature obsédée par l’idée d’effacer et de réécrire.
Il débaptise des rues, il renomme des places, il ajuste l’Histoire à la mesure de son inconfort. Mais nul ne peut échapper au passé à coups de procès et de verdicts : il finira toujours par nous rattraper, seul juge intransigeant de nos contradictions.
Dans les travées du Conseil municipal, entre des dossiers poussiéreux et des débats feutrés, la municipalité a choisi d’interjeter appel. Elle refuse la sentence des tribunaux et se dresse contre ceux qui voudraient gommer Pierre Sergent des cartes de la ville. Mais que défend-elle réellement ? Un nom sur une plaque, ou une certaine idée de l’identité perpignanaise ? Dans cette ville où les traces du passé s’effacent sous des couches successives d’idéologies, la bataille pour un nom est en réalité une bataille pour la mémoire.
Demain, ces nouvelles plaques rouilleront sous les intempéries, et d’autres viendront les remplacer.
Peut-être un jour, quelqu’un, errant sur ces avenues anonymes, s’arrêtera, tentera de comprendre pourquoi un nom a été gravé là plutôt qu’un autre. Peut-être alors réalisera-t-il l’inévitable : l’histoire ne s’efface pas, elle se réécrit sans fin, miroir fidèle de nos hésitations et de nos oublis. Mais alors, il sera déjà trop tard.