À Perpignan, bataille pour une esplanade : Louis Aliot et la mémoire interdite
/image%2F0934504%2F20250204%2Fob_82a92d_image-4.jpg)
Autrefois, à **Diên Biên Phu**, sous un ciel bas et lourd comme une dette, on ferraillait pour une colline avec un prénom de gonzesse. Les Viets montaient à l’assaut en pyjama noir, baïonnette au canon, pendant que les paras se vidaient les tripes sur le sable rouge, accrochés à leurs bastions comme des morpions à un vieux matelas. C’était une autre époque, une autre guerre. Aujourd’hui, plus besoin de jungle ni de colline, la castagne se fait en ville, **à Perpignan**, entre un maire en costard et des juges en robe noire. Fini les grenades, place aux assignations et aux référés.
**Louis Aliot**, maire RN sans étiquette, c’est son style, voulait rendre hommage à **Pierre Sergent**, un enfant du pays, ancien résistant, lieutenant-colonel de parachutistes, mais surtout, et c’est là que ça coince, cadre de l’**OAS**. Oui, l’Organisation Armée Secrète, celle qui, dans les dernières années de l’Algérie française, faisait sauter des commissariats et flinguait les traîtres, du moins ceux qu’elle jugeait comme tels. Un patriote pour les uns, un terroriste pour les autres. Une chose est sûre : pas un enfant de chœur.
/image%2F0934504%2F20250204%2Fob_5971c6_image-3.jpg)
Une plaque et une poudrière**
Aliot, en bon stratège, dégaine son projet en 2021. On rebaptise une esplanade du nom de Pierre Sergent, histoire de **rendre justice à un oublié de l’histoire officielle**. Il y croit, il fonce. Mais dans le camp d’en face, on ne l’entend pas de cette oreille. **SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme**, tout ce que Perpignan compte d’âmes sensibles monte à l’assaut. « **Un ancien de l’OAS ? Pas question !** » qu’ils hurlent.
La bataille s’engage, mais ce ne sont plus des balles qui fusent, c’est du papier timbré. Recours devant le tribunal administratif. Plainte pour atteinte aux valeurs républicaines. L’affaire remonte jusqu’à **Montpellier**, où les juges, bien calés dans leur fauteuil, tranchent sans trembler : **nom annulé !** « Une personnalité qui peut heurter la sensibilité du public », qu’ils écrivent dans leur décision. Autrement dit : « **trouvez un autre nom, Messieurs.** »
Aliot, lui, fulmine. **Pas question de se coucher**. « **On veut nous imposer une mémoire officielle !** » qu’il tonne. « Pierre Sergent, c’était un héros ! Il a défendu la France, même quand la France ne voulait plus de lui ! »
Derrière cette affaire, c’est tout un passé qui ressurgit, un de ces cadavres bien encombrants qu’on croyait enterrés pour de bon. L’**OAS**, c’est la fracture de la guerre d’Algérie, les pieds-noirs abandonnés, l’armée qui se rebelle, De Gaulle qui joue les équilibristes entre trahison et raison d’État. Pour certains, **Sergent, c’est l’honneur perdu**, la guerre à finir. Pour d’autres, c’est **le souvenir d’une sale époque, de bombes et d’attentats**, un nom qui sent le soufre, les nuits d’Alger et la poudre noire.
Perpignan, laboratoire du passé recomposé**
Perpignan, c’est pas Paris. Ici, on vote à droite depuis des décennies, et depuis 2020, **Aliot règne sans partage**. Ancien lieutenant de Marine Le Pen, il joue la carte du maire de terrain, au-dessus des partis. Il parle sécurité, identité, fierté locale. Et cette esplanade, c’est un symbole. Un totem.
Mais voilà, les temps ont changé.** Hier, on tombait sous les balles pour un bout de terre. Aujourd’hui, on s’écharpe pour des plaques de rue. Mais les rancœurs, elles, sont intactes.
/image%2F0934504%2F20250204%2Fob_deb645_476033061-10233907977818551-7058443307.jpg)
Sur la place, **les Perpignanais s’en foutent, ou presque**. Les vieux grincent des dents en évoquant **"ces gauchistes qui veulent réécrire l’histoire"**, les jeunes passent devant la plaque sans même lever la tête. Pour eux, **Sergent, OAS, Algérie, c’est du flou, du manuel d’histoire qu’on referme vite**. Pourtant, le combat continue. Aliot fait appel. « **On ne va pas se laisser dicter notre mémoire par des juges et des militants !** »
L’affaire traîne, la décision tombera dans quelques mois. D’ici là, l’esplanade attend, imperturbable sous le ciel catalan, entre deux palmiers fatigués. Son nom ? **Personne ne sait s’il tiendra.**
Et comme disait Audiard : **"Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît."** Reste à savoir, dans cette histoire, qui sera le plus con.