« Ils n’ont jamais imaginé que l’homme n’était en réalité que du bétail dans l’abattoir de l’histoire. » (Imre Kertesz)
« La mondialisation, ce sont les salaires américains pour les dirigeants et les salaires chinois pour les ouvriers. » (Louis Schweitzer, ancien PDG de Renault, humaniste et homme de gôôôôche, moi, faut m’expliquer comment tu peux être les deux mais avec les sociaux-traîtres, tout est possible)
Tu l’as vu, les bandits en babouches ont frappé la Russie et par n’importe où, à Saint Pétersbourg, le berceau de Blondin. Là, il est énervé. Le coupable, un Kirghize, un loup solitaire, donc forcément imprévisible contrairement aux réseaux qui sont plus jouables car ils laissent des traces, notamment en raison de l’infrastructure nécessaire au réseau. Un loup solitaire, c’est plus dur, au passage, tu constateras que nous avons quelques mois de retard par rapport aux Européens, frantsouz, germains ou britons, vous étiez en avance pour une fois. Loup solitaire ou pas, je puis te dire que le FSB s’est chargé de son entourage, forcément vaste, et qu’à l’heure qu’il est quelques copinous du loulou sont en train de chanter des airs qu’ils ne pensaient même pas connaître. Ben ouais, faut stériliser et surtout faire passer l’envie de passer à l’acte. Donc, cela signifie descente dans l’environnement du kamikaze, arrestations, interrogatoire selon les normes de la convention européenne des droits de l’homme et après ça…
Allez, un peu d’humour maintenant, après la gravité. Quel blagueur que ce Blondin ! Il a reçu la Blonde fille de son père ! Faut dire que Blondin l’a dit, il se réserve le droit de recevoir qui il veut, donc c’est open pour tous les candidats à la présidentielle, mais bin, y en a qui osent pas ou qui n’osent plus, et certains qui n’ont aucune vision géopolitique, qui n’ont pas encore compris où se trouve the place to be. Je ne vais pas commenter votre présidentielle, qui est bien foutraque, mais pas d’inquiétudes, Blondin suit cela de très loin, pour lui la France, c’est presque rien. En tout cas, la Blonde fille de son père a eu une excellente presse parmi les Russiens, la gueuse est appréciée. Elle apparaît volontariste, nationaliste et ça, ça plaît aux élites russiennes, le nationalisme, la notion d’intérêts vitaux…, ça nous parle !
A propos d’intérêts vitaux, tu as vu la Syrie ? C’est fou, les fondamentaux demeurent pour ces deux anciens empires, que sont la Russie et la Turquie. Blondin et le grand Turc se croyaient tranquilles avec les Iraniens, établissant un condominium à 3 et paf, la Trompe qui décide d’envoyer quelques tomahawks, histoire de rappeler que les US sont là et toujours aussi impérialistes. Par contre, la France, l’UE, personne ne les voit sur ce dossier si ce n’est pour chanter en chœur avec les Cains Cains, toujours suivistes, les Frantsouzy, mentalité de collabos ! Mais c’est pas grave, parce que dans 4 jours, tu as Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat de la Trompe qui vient à Moscou pour parler
Syrie. Et toi, petit Frantsouz, où tu seras ? Ben, tu regarderas, faut pas déranger les grands ! Et tout cela n’empêche pas le Russien de se balader en Libye, aux côtés du général Haftar où nous y avons envoyé quelques forces spéciales, tu sais, des conseillers militaires… Syrie, Libye, ben ouais, faut bien qu’il y ait quelqu’un pour réparer toutes les bévues accumulées par les camarades occidentaux privés de vision et décadents ! Et surtout, c’est une sacrée manière à la Blondin, un mec habitué au combat et à la survie en milieu hostile, pour montrer que la Russie est de retour et qu’elle défendra ses intérêts et quelques notions de droit international, éculées par chez toi, comme la souveraineté des Etats, façon congrès de Vienne 1815 !
Civilisation. Un de ces samedis, un Russien de mes amis m’a proposé d’aller assister à un concert de cloches à la cathédrale du Christ Sauveur. Tu ne le sais probablement pas mais les cloches, c’est important en Russie, elles sont de toutes les tailles dans un clocher, ce qui permet d’avoir plusieurs nuances de son. Tu ne le sais pas également (car finalement, sorti de ton magma culturel indigent, tu es assez ignare), mais le Christ Sauveur avait été édifié suite à la victoire sur Napoléon, qui s’en était retourné la queue entre les jambes sur ses terres. Le Christ Sauveur a été détruit en 1931 par Joe le Moustachu parce que la religion, ben c’est l’opium du peuple, il en savait quelque chose, l’ancien séminariste… Et l’édifice a été remplacé par une piscine. Fin des années 1990, Iouri Loujkov, alors maire de Moscou, qui a beaucoup volé, décide pour se faire pardonner de reconstruire le Christ Sauveur, je crois que cela s’appelle les indulgences. Tu le sais, je suis un authentique bolchevik, un internationaliste mais je dois reconnaître que c’est une réussite architecturale. Quand tu es à hauteur du Kremlin, tu aperçois ses coupoles, quand tu es sur les ponts de Moscou, tu l’aperçois, bref, le Christ Sauveur, qui est un peu la maison du Patriarche Kirill (je l’aime bien lui, c’est un ancien de ma maison, un collègue du KGB, un pote de Blondin, ben ouais, faut que tout soit sous contrôle) est partout. Donc me voilà sur un clocher, vue imprenable sur la Reine des villes avec 6 Russiens qui sonnent les cloches. Je ne suis pas religieux pour deux sous, mais il y avait de la ferveur et à voir leurs visages, leurs bonnes gueules de Russiens, de Slaves défenseurs de tous es Slaves où qu’ils se trouvent (t’as compris la fine allusion ?), ben je me suis dit que le pays avait de la chance, qu’il allait durer encore longtemps et que toi, cher Occident, tu ne te débarrasseras pas comme cela du Russien ! Au fait, je n’y ai pas croisé les Pussy Riot, probablement passé de mode par chez toi… Blondin est un garçon fin, ses deux piliers, l’armée et les services de sécurité, et la religion orthodoxe. Avec cela, il entend donner une structure, une colonne vertébrale au pays, le Russien sait d’où il vient et où il va, il n’est pas hors sol, il ne flotte pas dans des limbes libérales postmodernes. Bien sûr, tes experts certifiés objecteront, « mais la situation économique, la corruption, etc… » Me ne frego, comme disent mes Italiens adorés, car la populace est habituée à la souffrance, à des degrés plus ou moins fort selon la période historique, le Russien est résilient, toujours debout et toujours là pour t’emmerder surtout !
Puisque j’en suis à des considérations civilisationnelles, je voudrais revenir sur le bania, le sauna russe. Tu es enfermé dans une pièce, la parnaya, où la vapeur peut monter à 90-100°. Rien à voir avec le voluptueux bain turc, immortalisé par Ingres. En fait, le bania est très représentatif de la culture russe où la volupté est absente, tu n’as que des plaisirs virils. Cette vapeur qui monte te fait serrer les dents ou pousser des cris d’ours, puis tu attends, tu attends que ça redescende lentement et que cela devienne plus vivable. Ben là, tu as la métaphore du caractère russien : les mecs sont durs, ils peuvent endurer, subir, mais ils savent que la pression redescendra… un jour et peu importe quand. Au bania, tu te sens vivant, tu ne t’épargnes pas et tu n’épargnes pas (ben ouais, épargner, c’est mesquin, pas très grand seigneur). Tu comprends mieux aujourd’hui pourquoi les sanctions occidentales n’ont que peu d’effet sur le Russien, il serre les dents le Russien, pas les fesses, ça les fesses, c’est toi qui as intérêt à bien les serrer dès le 7 mai…
Un peu de littérature pour te familiariser avec le Russien, la fameuse âme slave que tu fantasmes. Lis « Oblomov » de Gontcharov. Oblomov est un rejeton noble qui laisse ses domaines aller à vau-l’eau, il est perdu dans la nostalgie de son enfance, il n’est plus dans la réalité, c’est un pur velléitaire, une sorte de mollusque. Il a un ami, un Russien d’origine allemande, qui répond au nom
de Stolz. Ce dernier est tout le contraire d’Oblomov, il est viril, volontariste, dynamique. Ben le Russien, il est un peu des deux à la fois, saches-le. Admettons que Blondin, il est plutôt du genre Stolz, mais dans le bon peuples, combien d’Oblomov… Laisse-moi, pour finir, te parler brièvement de deux expositions de peinture, qui traitent à peu près de la même période. La première s’intitule Le dégel, elle a lieu à la nouvelle Tretyakov et traite de la période 1953 (mort de Jo le Moustachu) à 1968 (rétablissement de l’ordre bolchévique en Tchécoslovaquie). Ça t’en bouche un coin, le bonheur soviétique, ben c’est comme ça. A la mort de Jo le Moustachu, les gens ont été autorisés à souffler, à lâcher prise et cela donne des tableaux où le bonheur, y compris consumériste comme en Occident, s’exprime (le tableau qui illustre cette chronique était présenté à l’expo, c’est fantastique, la fille, en communication avec le cosmos, a l’air de jouir). La seconde exposition, au musée Pouchkine, s’intitule Visage de l’avenir, 1945-1968, sauf que là, tu as des artistes soviétiques comme Deyneka, qui côtoient des artistes occidentaux comme Lucian Freud, Buffet, Picasso, Baselitz, Léger ou Klein.
Pour finir, une petite image parce que tu as été sage, pour te montrer que le Russien t’aime bien quand même petit Frantsouz, bon seulement quand tu es son copain, puisqu’il a baptisé un méthanier brise-glace le « Christophe de Margerie ». Normal, big moustache était un vrai pote de la Russie qu’il aimait et qui l’aimait en retour…