" De la baleine à la sardine et du poisson rouge à l'anchois dans le fond de l'eau chacun dîne d'un plus petit que soi..."
Francis Blanche
De la Ré-industrialisation en Pyrénées-Orientales : Doit-on bastir une manufacture pour le crabe bleu ?
En ce royaume des Pyrénées-Orientales, fertile en eaux et en âmes hardies, surgit le débat enflé comme outrecuidance : faut-il qu’on défraye et bastisse une grande fabrique pour emboîter en conserve ce fameux crabe bleu, l’outrecuidant envahisseur des étangs ? Car ce crustacé, venu d’Amériques et fort de ses pinces tranchantes, ravage nos filets, festoie de nos anguilles, et détruit le gagne-pain des pêcheurs honnêtes. Or, dit-on, qu’on pourrait convertir le fléau en bénédiction. Voyons donc la chose, en manière de Gargantua, pesons bien ce pour et ce contre.
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Chapitre Premier : Des ravages du Crabe bleu, cette peste des eaux
Ce crabe, que l’on nomme *Callinectes sapidus* en latin des savants, a pris ses quartiers en nos lagunes dès l’an 2017. Là, il s’emploie comme un soudard, glouton et destructeur. En l’an 2022, point moins que quatorze tonnes furent pêchées de l’étang de Canet, tant cette bête pullule et se répand telle peste. D’anguilles, de poissons, et des modestes mollusques, il fait son festin, ne laissant rien que ruines et désolation.
Pour endiguer ce mal, on fit largesse de 400 000 écus aux pêcheurs, priés de tirer du fond ces animaux comme s’ils puisaient l’or d’un Eldorado aquatique. Mais que nenni, car ils n’en reçurent pas le sol d’une obole. La sécheresse, cependant, aidant Dame Nature, a fait chuter les prises en l’an 2023. Hélas, l’équilibre reste précaire, car ces créatures se reproduisent fort aisément, et leurs larves dansent encore en nos eaux salées.
Chapitre Second : Peut-on tirer profit de cet ennemi ?
Un mets prisé pour tables opulentes
Ce crabe bleu n’est pas vil à la dent. En d’autres contrées, il fait les délices des tables princières et des cuisines bourgeoises. Sa chair fine, ferme et délicate, se trouve dans soupes, ragoûts, et autres festins. De Venise à l’Orient lointain, il s’achète cher et s’exporte loin.
Que gagne-t-on à le conserver ?
Si l’on bâtit ici une fabrique à conserver le crabe, ce serait grand profit :
1. **De l’ouvrage pour nos gens** : Pêcheurs, ouvriers, transporteurs, tous trouveraient pain sur la planche.
2. **Richesse du pays** : Les boîtes de crabe bleu, estampillées « Produit Catalan », deviendraient autant de pièces sonnantes et trébuchantes entrant au coffre.
3. **Fierté locale** : Après la rousquille sucrée et la saucisse bien grasse, voilà que le crabe bleu rejoindrait le panthéon gastronomique de notre contrée !
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Chapitre Troisième : Mais est-ce sage entreprise ?
Le péril des stocks changeants
Hélas, on ne sait si ce crabe pullulera comme aujourd’hui ou se fera rare comme orichalque. La sécheresse et autres caprices célestes rendent instables ces populations. Si les crabes manquent, que fera la fabrique ?
Les écus qu’il faudra débourser
Une telle bâtisse ne se fait pas pour des noisettes. Il faudra ateliers, chaudières, et tout l’attirail pour cuire, nettoyer, et mettre en boîte ce crustacé. Les normes du roi exigent encore que tout soit propre comme une cathédrale, ce qui coûte moult deniers.
Le défi de vendre
Enfin, pour que cette industrie prospère, il faut des clients, et non des moindres. Il faudra convaincre marchands étrangers et citadins raffinés que ce crabe vaut leur bourse, et cela demande art et talent.
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Chapitre Quatrième : Inspirations d’ici et d’ailleurs
Voyez la lagune de Venise, où ces mêmes crabes causèrent moult troubles. Là-bas, de fins esprits entreprirent de les cuisiner, et voilà que ces crustacés enrichissent désormais les marchands vénitiens. En notre région même, les huîtres de Thau et les vins muscats ont prouvé qu’avec bonne stratégie, on fait fortune de peu.
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Chapitre Cinquième : L’arithmétique des avantages et des risques
Avantages
- Travail et richesse pour le pays.
- Valorisation d’une calamité en ressource.
- Une renommée culinaire à bâtir.
Inconvénients
- Stocks incertains, dépendant du caprice des cieux.
- Coûts élevés au départ.
- Un marché à construire de toutes pièces.
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Concluons, ô bons amis !
Est-il sage d’investir en cette usine de crabe bleu ? Peut-être, mais pas sans précautions. Que les savants mesurent les stocks, que les financiers comptent leurs écus, et que les marchands testent le marché. Si tout est bien pesé, alors seulement, que l’on se lance. Ainsi, ce fléau pourrait devenir bénédiction, et nos étangs de Canet, au lieu de ruine, redeviendraient source de prospérité.