Nom d’un petit bonhomme, c’est pas hier qu’il faisait frais à Perpignan ! Non, c’était le feu du diable, un brasier en goguette ! Avec leurs slogans « Ni Francia, ni Espagna, pèro Catalunya ! » qui claquent comme des gifles, ils étaient tous là, les bougres, banderoles au vent, drapeaux sang et or brandis comme des trophées. Pas des mauviettes, non ! De la Catalogne, ils sont venus en meute pour secouer la poussière des siècles et souffler un vent de révolte digne de ce nom.
Le coupable de tout ce tralala ? Un vieux bout de parchemin, signé un certain 7 novembre 1659, qui a fait des Pyrénées la frontière à jamais de deux mondes.
Et, sacré nom d’une pipe, ils en ont gros sur la patate, ces Catalans ! Surtout Jordi Delgado, le Barcelonais à la mine décidée, qui attend, planté là, Place de Catalogne comme un gladiateur prêt au combat. "Ce qu’on veut ? Redonner du jus à la fraternité entre Catalogne du Nord et du Sud !" qu’il dit. Et pas avec des fleurs, avec des tambours, de la gralla, et des sacs de gemecs – que le diable m'emporte si je sais ce que c’est, mais ça réveille les morts !
Et là, vous croyez que ça s’arrête ? Non, mon pote ! T’as Joan, le Breton, venu de la lointaine terre d’Armor, un « ami de tous les peuples », qu’il se présente.
Il est là, en première ligne, pour défendre la langue, les sons, l’âme catalane ! Et puis il y a Jordi Recorda, un autre enragé, qui prêche pour son catalogue à lui : « Pour qu’on parle catalan, les gars ! Pas pour qu’on se contente de le fredonner le dimanche…»
Ausias, un Roussillonnais enragé, est là avec sa marmaille, prêt à mordre s’il le faut. "Chez nous, c’est à peine 7 % d’écoles bilingues !
En Pays Basque, ils sont à 50 %, et en Alsace ils se battent pour trois heures par semaine ! Et nous, qu’est-ce qu’on devient, hein ?" qu’il râle, les yeux remplis d’étincelles. Ce que ça lui coûte ? Tout ! Le voilà qui rêve d’un thème, d’une ligne commune pour toute cette manif qui gronde, pour pas se disperser à tout vent – mais bon, faut croire que les slogans, c’est comme les chapeaux, ça tient comme ça peut.
Les voilà tous à battre le pavé, en rangs serrés, les vieux et les jeunes, ceux du coin et les expatriés, comme Cristian et Maxime, deux Parigots dans l’âme mais Catalans dans le cœur. L’un se la joue fier-à-bras avec son tee-shirt sang et or, l’autre feuillette un manuel de catalan, pour essayer de choper les mots qui s’échappent dans l’air comme des envolées de cuivres.
Au bout du cortège, tout derrière, Joseph Vidalou, vieux de la vieille, patriarche de la cause catalane.
Lui, il a fondé la Fédération de défense de la langue catalane il y a quarante ans, et il en a vu des flammèches et des coups de grisou. Il avance, tout en marmonnant que « la mondialisation a tout bousillé, que tout s’effrite, que tout s’efface » – mais bon, peut-être qu’un miracle arrivera et que cette manif lui donnera raison.
Enfin, après deux bonnes heures de défilé en couleurs, drapeaux au vent, ils finissent par s’amasser devant la préfecture. Et là, comme une armée d’insoumis, ils lèvent un Castell, la tour humaine qui grince et fléchit mais ne casse jamais, une sorte de pied-de-nez ultime aux lois, aux rois, et au traité d’il y a 400 ans. Bref, du grand spectacle, du genre à te faire dresser le poil, même si t’es pas Catalan.