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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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27 mai 2020 3 27 /05 /mai /2020 14:31

 

A défaut d’avoir pu faire un duplex, à cause de la fragilité de la connexion numérique de la rate des champs que me voilà devenue, voici mon témoignage sur ce retour au collège, post confinement
 
En amont : le dilemme.
 
Perpignanaise, j’enseigne depuis quinze ans dans un collège rural isolé de Provence, et y participe à des luttes sociales et écologiques, notamment pour un service public de qualité sur l’ensemble du territoire. Alors qu’avec d’autres enseignant.es et des gilets jaunes nous organisions la lutte contre la réforme des retraites sur le territoire de la sous préfecture la plus proche, la pandémie nous a d’abord sidéré.es. Puis confiné.es. Notre colère sociale bouillait toujours, sans trouver un moyen efficace de s’exprimer (dans cette société post moderne, les élans du cœur sont souvent récupérés, et les applaudissements de 20h sont devenus sponsorisés à la télé). Comme beaucoup, mon angoisse et ma rage était cristallisées par le rythme des annonces contradictoires, comme si j’étais hypnotisée par un balancement de pendule. Dix huit annonces contredites de notre ministre/communicant, selon Libération i .Puis, une date. Un compte à rebours. Une réouverture, à finalement préparer, contre l’avis du conseil scientifique, mais avec l’aval des pédiatres. Et ces questions: devons-nous mettre en œuvre la « garderie du MEDEF »,pour permettre aux parents de reprendre le travail , avec une école « sur la base du volontariat » des familles ? Ne rendrions nous pas plus service aux travailleur.ses en leur permettant de faire valoir la garde de leurs enfants pour rester à l’abri du virus, si les établissements restaient fermés ? N’est-ce pas finir de saboter notre école, que d’entériner son caractère facultatif, son hybridation via le numérique (et les suppressions de postes qu’elle permettrait), de faire passer la pédagogie et les contenus au second plan ? Ces préoccupations sont légitimes, compte tenu du profil du ministre (haut fonctionnaire clef sous Sarkozy, directeur de l’ESSEC) et de son directeur de cabinet, membre d’un lobby ultra libéral) ii .
Et pourtant, j’ai décidé de préparer cette réouverture. Pour la préparer au mieux, en tant qu’élue du personnel,en anticipant, avec mes collègues, les difficultés, et décliner le mieux possible ce protocole sanitaire aussi effrayant que loin de la réalité du travail avec des adolescent.es. Et pouvoir alerter en cas de problème, en étant sur le terrain. Et permettre à ces jeunes, qui n’en pouvaient plus de ne plus voir leurs pairs, qui étouffaient dans leur famille (merci à ma fille d’avoir aidé à ma prise de décision, par son mal être visible en fin de confinement) de se retrouver.
 
Le jour J. Bienvenue en dystopie.
 
Enfiler un masque, puis une visière, et suivre les flèches jusqu’à la salle de cours où m’attendent les élèves, longer des sens interdits, sentir à travers le masque, l’odeur du virucide. Des surveillant.es, masqué.es, le long du couloir, des poignées d’élèves qui attendent dans une salle, masqué.es. J’ai eu beau m’y préparer, psychologiquement, j’ai à nouveau l’impression d’être une servante écarlate baillonnée, comme quand je faisais les courses au supermarché du village, avec mon autorisation exceptionnelle de sortie. Et je me sens suffoquer.
 
Les retrouvailles.
 
Je me reprends, et retrouve quelques uns de mes élèves. Sept, sur une classe de vingt-cinq . Dans l’autre, un seul était inscrit, il n’est pas venu. Pas de décrocheur.se présent.e, sauf une, qui assumera très vite être revenue pour chercher ses affaires dans son casier. Là, entre de nouveaux gestes professionnels sanitaires à intégrer et de nouvelles contraintes à surmonter, je tente de donner du sens à cette reprise. Sans échange de papiers, sans passage au tableau (pas de contact objets pour les élèves). Ma matière, le français, me permet sans doute de m’adapter plus facilement à la situation, et de travailler sur l’expression, écrite et orale, de cette drôle d’expérience. Et d’élargir la communication à des gestes, pour exprimer son ressenti. Pour que les gestes ne soient pas des barrières, pour recréer un lien social, avec celles et ceux qui sont là, qui doivent sortir de leur zone de confort pour échanger avec d’autres que leurs copains ou copines habituels.
De nouveaux rituels apparaissent, et la parole circule, plus libre. La réflexion, aussi. Et le plaisir d’apprendre est là.
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