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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 19:47

Lucky strikes again

La dernière fois que j’avais vu le diable, c’était il y a vingt piges au Rockstore montpelliérain. Le bluesman jouait au dandy au milieu d’un public chauffé à blanc en faisant des trucs terribles avec sa Gibson. Comme dans tout show de démesure amerlocke, on frôlait parfois le trop-plein, l’acouphène par overdose.

Hier soir au Mediator, la partoche était toute autre. La stupeur d’abord. A 53 balais, Lucky Peterson affiche un physique précocement usé : visage creusé, obésité ventrale qui limite ses déplacements. N’empêche. Que le newyorkais pose son cul derrière son orgue Hammond B3 et les craintes se dissipent. L’orgue fut le premier hochet de bébé Lucky. A tel point qu’on se demande si une étrange fusion ne s’est pas opérée entre le musicien et son instrument. Le son enfle en nappes frémissantes avant de virer geyser fulgurant. Ça hurle, ça échote, ça swingue, ça riffe, ça gospelle. C’est pas des doigts qui courent sur le clavier mais une tripotée d’araignées. Le thème de la soirée était un hommage à l’organiste Jimmy Smith. Pour le coup, Lucky l’a joué fine en s’entourant d’une baronnie d’exception. A la batterie, Ahmad Compaoré capable de défourailler à la mitrailleuse – fuckin’ god, cette giclée survoltée de Papa was a rollin’ stone des Temptations ! - ou de caresses langoureuses avec ses balais pour un swing old school. A la trompette, on avait là un Frenchy de savoyard : Nicolas Folmer. Charmeur impassible qui désaxe un poil son embouchure sur le côté de la bouche, va chercher les aigus à la truelle dans les bronchioles de ses poumons quand il ne câble pas son cuivre sur une pédale wah-wah. Propre et classe. Le quatrième larron du combo, lui, c’est l’énigme. Kelyn Crapp : un métis au physique de statue grecque. Jeune guitariste – Lucky le surnomme « the baby » – à 10 000 lieues des gratteux sous speed qui confondent manche à guitare et joystick en mode Call of duty. Un jeu dépouillé, mister Crapp, sobre et sans effet, exécuté par un musicien étonnamment mâture qui préfère l’inspiration à la démonstration. Avec un truc de plus en plus rare dans la musique actuelle : des silences entre les motifs mélodiques.

Et puis il y a eu Tamara. The special guest of the night. La meuf à Lucky. Une chanteuse soul qui a enchaîné les postures : conteuse, aguicheuse, tempétueuse. Ensorceleuse. Elle nous a raconté la genèse du Don’t explain de Billie Holliday. Avant de nous le chanter. De nous prendre à témoins, nous, les mecs volages qui se ramènent chez leur légitime avec une trace de rouge à lèvre sur le col de la chemise. Ne dis rien, dit la femme. 

Hush now, don't explain

Just say you'll remain

I'm glad you're back, don't explain

J’ai fait un balayage du public dans la fosse : les hommes avaient cette face bénie propre au relâchement post-coïtal. Les femmes partageaient en chœur la douce amertume de leur sister cocufiée. Après tout, elles avaient le pouvoir du pardon – ou de la disgrâce. 

Ce fut la soirée de tous les clichés. Mais usinés avec une telle élégance, une telle évidence, qu’on se serait cru en famille. Un moment, Lucky a coiffé son medius le bottleneck et empoigné sa Gibson. On a presque entendu les clapotis du delta. Celui du Mississipi. Où tout commença pour le blues. Nous, les blancs-becs, aurions mérité mille fois de finir à l’eau, déchiquetés par les crocs des crocos. Au lieu de quoi, le beau Nègre à chapeau a souri. Tout est devenu doux comme une sieste dans un champ de coton. On a refait le rêve avec Luther King. Un instant, on y a cru. 


 

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commentaires

P
Très interessant! Je ne savais pas que vous étiez un blogger si éloquent, j'espère que tu te souviens de moi, l'assistant d'espagnol du Clos Banet vers l'an 2000. Je t'embrasse mon pôte...
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